FAQ

En 2022, le modèle des Ehpad privés lucratifs a été fortement décrié dans les médias. En effet, l’actualité a mis en relief de nombreux dysfonctionnements et de la maltraitance. Evidemment, notre statut associatif ne nous met pas à l’abri de toutes les difficultés. La crise sanitaire que nous avons traversée ces dernières années a particulièrement accentué la crise des vocations de personnels soignants. Elle s’impose à nous dans le recrutement des professionnels, ce qui se traduit par des rotations de personnel bien supérieures à ce que nous souhaiterions.
Néanmoins, l’ensemble des équipes de Monsieur Vincent reste mobilisé et totalement engagé auprès des résidents. C’est ce que nous avons souhaité mettre en lumière avec cette immersion. Montrer que les Ehpad ne sont pas des mouroirs où la maltraitance prime mais que ce sont avant tout des lieux de vie dans lesquels les professionnels sont investis et engagés.

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Racontez-nous la genèse de ce projet ?

Jean-Charles : Lorsque nous sommes revenus de nos deux voyages humanitaires à la frontière ukrainienne, on souhaitait continuer mais on ne savait pas trop comment s’y prendre. Ce qui est sûr c’est que nous avions envie de continuer d’aider et de montrer le parcours de personnes engagées. En brainstormant avec Pierre-Emmanuel sur des sujets qui nous touchaient, Pierre-Emmanuel a eu l’idée des Ehpad pour faire écho à ce qu’on en entendait à ce moment-là dans l’actualité. C’est un sujet qui a résonné énormément chez moi car mon père y a vécu les douze dernières années de sa vie. Il a eu un parcours très long dans un établissement où cela s’est très bien passé. Je me souvenais du personnel soignant, des femmes ou hommes de ménage, des médecins, des psychologues qui étaient très impliqués et très humains dans leur approche. À l’époque cela m’avait beaucoup touché. Au fur et à mesure de notre réflexion, nous avons donc décidé de nous rendre dans un Ehpad pour montrer sur notre compte Instagram ce que nous allions y découvrir, aussi bien le positif que le négatif.

Pierre-Emmanuel : En ce qui me concerne, mes deux grands-parents sont allés en Ehpad pour terminer leur vie et on ne peut pas dire que ce se soit très bien passé. Je n’en garde pas des bons souvenirs. Début 2022, en entendant l’actualité difficile des Ehpad, cela m’a donné envie d’aller vérifier par moi-même si tout ce qu’on entendait était vrai. Et effectivement, la deuxième raison à cette immersion c’est que nous avons très envie de continuer à donner du temps à travers des missions humanitaires ou sociales. L’Ehpad a donc été une évidence.

Quelles étaient vos peurs avant de venir ?

Jean-Charles : Pour moi cela faisait résonnance avec mon vécu et l’histoire de mon père. J’avais peur que cela me replonge dans cette période extrêmement difficile de ma vie et que je sois complètement désarmé au point de ne plus être capable de mener à bien ce projet.

Pierre-Emmanuel : Contrairement à Jean-Charles, je n’avais pas peur du tout ! J’y suis allé volontairement sans prendre aucune information au préalable.
C’est Jean-Charles qui avait préparé cette mission en amont. Ma seule crainte était de ne pas réussir à trouver ma place une fois que je serais sur les lieux ; de ne pas être à la bonne place au bon moment et c’est vrai que les 24 premières heures on a un peu « pataugé » et puis après ça roulait tout seul !

Vous dîtes que vous avez « pataugé » les 24 premières heures, pour quelles raisons ?

Pierre-Emmanuel : Parce que ce n’est pas forcément inné de se sentir bien immédiatement au contact de toutes ces personnes. Il y a 100 résidents et presque 60 salariés ! On a toutes ces personnes à découvrir en mode express et puis il y a aussi le bâtiment à s’approprier. Il faut réussir à se repérer très vite et il est très grand ! Il y a aussi la présence des soeurs. Bref, vous l’avez compris il y a énormément à découvrir en très peu de temps.

Jean-Charles : Je me souviens quand nous sommes arrivés le premier jour vers 11h00, la directrice Angélique nous a fait visiter l’ensemble de l’établissement. Pendant le déjeuner des résidents et devant les professionnels, elle nous a demandé de nous présenter et d’expliquer notre démarche. C’était un exercice vertigineux pour nous car, en toute transparence au début les résidents n’en n’avaient rien à faire qu’on soit là ou qu’on ne soit pas là ! Et à la fois cela a été un plongeon direct dans le bain. Il a fallu qu’on leur explique chacun leur tour ce qu’on était venu faire et qu’on allait les filmer.

Pierre-Emmanuel : J’aime beaucoup ce que tu dis Jean-Charles ! Si pour toi cela a été dur alors que tu travailles dans la communication, alors imagine pour moi qui suis dans le bâtiment !

Selon vous, qu’est-ce qui a fait que vous avez réussi à prendre vos marques les jours suivants ?

Pierre-Emmanuel : On avait demandé à pouvoir dormir sur place et je pense qu’en terme d’immersion ça change tout ! Le premier jour nous sommes arrivés vers 11h00 et nous nous sommes couchés à 2 ou 3 heures du matin. C’était une journée à rallonge ! Le fait de dormir sur place a beaucoup accéléré la prise de contacts avec les résidents et les professionnels. Le soir c’était beaucoup plus intimiste, on pouvait prendre le temps de discuter avec eux dans le calme et cela a immédiatement créé des liens.

Jean-Charles : Dès le premier jour, nous avons accompagné des soignants dans leur tournée du soir. Emotionnellement, cela a été très intense. Dès le lendemain on s’est rendu compte que nous étions en fait attendus. Nous nous sommes rendu compte que notre venue avait été très bien préparée. Que ce soit les résidents, leurs familles, les bénévoles, ils avaient tous été sensibilisés à notre venue. Notre accueil a été grandement facilité par les équipes et grâce à ça dès le lendemain on s’est senti bien. Nous avons été vraiment touchés par la gentillesse des membres de l’équipe.

Après votre immersion, est-ce que votre regard sur l’Ehpad et le grand-âge a évolué ? Qu’est-ce que vous retenez ?

Pierre-Emmanuel : Le PASA (Pôle d’Activité et des Soins Adaptés) est pour moi un service incroyable ! Si seulement mes grands-parents avaient pu en bénéficier, cela aurait certainement changé leur fin de vie. Pour moi la présence des soeurs apporte également beaucoup. Je trouve que cela crée une humanité, l’atmosphère est vraiment différente lorsqu’elles sont là, même si elles ne sont plus actives et ne sont plus présentes dans les soins. Pour avoir déjeuné avec elles je peux dire qu’il y a une présence, quelque chose qui se transmet. Je suis catholique mais pas vraiment croyant et entre mes voyages en Ukraine et cette immersion en Ehpad je peux dire que je me suis réconcilié avec la religion. À Bonnière, j’ai retrouvé tout ce qu’il y avait de beau chez ma grand-mère : la bienveillance, la bonté, la générosité, l’écoute. Il y a un espèce d’ADN qu’on ne retrouve pas ailleurs qui a été apporté par les Filles de la Charité. Malheureusement on a bien vu aussi qu’il y a de moins en moins de soeurs mais si j’ai un message à faire passer c’est qu’il ne faut surtout pas perdre cet héritage.

Jean-Charles : Oui évidemment. D’abord j’ai découvert qu’un Ehpad pouvait être associatif, chose que j’ignorais avant ce projet, qu’il pouvait y’avoir des bénévoles. J’ai aussi découvert ce qu’étaient les services civiques. Avant de venir, je n’avais pas conscience qu’il pouvait y avoir des choses aussi merveilleuses et aussi inspirantes en Ehpad. Le monde des Ehpad est tellement décrié, on a l’impression qu’il n’y a pas de demi-mesure. Bêtement, je partais du principe que les Ehpad les moins chers devaient certainement être moins bons que les Ehpad plus onéreux. En fait ce n’est pas si simple, avant de parler il faut se renseigner, étudier et ne pas faire des généralités. Pour rejoindre Pierre-Emmanuel sur l’aspect religieux, effectivement c’est quelque chose qui doit apaiser, que tu sois croyant on non. Il y a aussi la chapelle où on peut se rendre librement, en fait tu as l’impression que tu as un petit point d’écoute quelque part au-delà du psychologue qui est là et qui est à prendre ou à laisser.

Qu’avez-vous pensé de l’engagement des professionnels ?

Pierre-Emmanuel : L’engagement des professionnels a été une découverte crescendo. Chaque jour, nous avons rencontré un tas de personnes d’une telle gentillesse et tellement investies. Au début, certains professionnels nous avaient fait part qu’ils ne souhaitaient pas nous parler ou être filmés. Certainement, car ils n’avaient pas très bien compris le pourquoi de notre venue. Et puis, au fil des heures ils se sont abonnés à notre compte Instagram et ils ont pu voir ce qu’on diffusait. Ils ont vite compris qu’on était là pour mettre en avant aussi les métiers de l’Ehpad et à partir de là tout le monde voulait partager avec nous. Il y a une des professionnels qui nous a dit « Si on n’amène pas son coeur au travail et bien on ne travaille pas » et je crois qu’avec une seule phrase elle avait tout dit.

Jean-Charles : C’était bluffant ! Même si nous n’avons pas pu hélas discuter avec chaque salarié. Mais sur toutes les personnes que nous avons rencontrées, nous n’avons vu que des personnes qui étaient profondément engagées et qui exerçaient leur métier avec passion. Que ce soit les infirmières de nuit, l’équipe du PASA, les femmes de ménage, le chef cuistot, l’animatrice, les membres du co-dir… tout le monde est extrêmement investi par ce travail auprès des résidents. On a été très étonné d’ailleurs de l’engouement que cela a généré sur les réseaux. Nous avons reçu tellement de commentaires positifs de personnes qui étaient touchées qu’on mette les métiers de l’Ehpad en lumière.